Eau potable et assainissement à Tierra Muscady
Le village de Tierra Muscady est situé dans le département du Centre en Haïti. Il appartient à la commune de Thomonde, dont la petite ville est située à 6 km de piste. Le village rassemble quelques milliers d’habitant vivant à proximité, tandis que la paroisse dont il est le centre en compte 40 000, habitant jusqu’à 2 heures de marche du centre du village. Le village abrite 2 écoles rassemblant plus de 1000 élèves.
Pour trouver de l’eau alimentaire plus sûre, le point d’approvisionnement le plus proche était à Thomonde, à vingt minutes de piste en taxi-moto, et cela coutait cher.
En 2013, deux lacs collinaires de quelques dizaines de milliers de mètre cubes de retenue ont été construits à proximité du village dans le cadre du programme national des lacs collinaires conduit par la Fraternité de l’incarnation. C’est de l’un de ces lacs, situé à 600 mètres du village, une trentaine de mètres en contrebas, qu’est prélevée l’eau brute qui est maintenant traitée par le système d’eau potable réalisé pour le village par l’équipe locale Fratènite Dlo des PFI, formée et assistée par AquaOrbi. La conception et l’ingénierie générale du système, le montage en atelier de l’unité de traitement par ultrafiltration, la maitrise d’œuvre des travaux (prise d’eau, bâtiments, réservoirs, réseaux, usine de traitement), et la mise en route, on été réalisés sous la conduite de Slim ROBERT, qui est le responsable technique d’AquaOrbi en Haïti, et dirige l’équipe Fratènite Dlo.
Le projet, conduit avec le Comité de l’Eau du village, qui en est le maître d’ouvrage et l’exploitant, comporte :
une prise d’eau dans le lac collinaire équipée d’une pompe de 5m3/h
une canalisation d’exhaure relève l’eau d’une trentaine de mètres jusqu’au réservoir d’eau brute de 40m3 (en construction sur la photo ci-après) situé dans le village, 600 m plus loin. C’est sur la dalle supérieure de ce réservoir que sont construits le local technique et le kiosque de distribution.
un local technique dans lequel est situé l’usine de traitement. L’usine de traitement, capable de 1m3/h (soit 20 000 litres par jour), comprend un filtre à sable, un filtre à charbon actif, et une unité UFAO d’ultrafiltration (assemblée en Haïti par Slim)
Un kiosque de distribution public adjacent au local technique, qui donne sur la rue principale du village. Un réservoir élevé d’eau traitée, de 20m3 de capacité est situé sur le toit de ce bâtiment et dessert gravitairement le kiosque.
un système d’énergie photovoltaïque et batteries, qui permet le fonctionnement autonome de l’usine d’eau potable. L’énergie nécessaire est fournie par des panneaux solaires posés sur le toit du bâtiment.
un programme pilote d’assainissement autonome et promotion de l’hygiène (latrines sèches avec dispositif de lavage des mains, valorisation des boues en compost), par l’équipement d’une école et de 5 foyers pilotes, la formation d’artisans locaux à la construction des latrines, et la mise en œuvre d’un dispositif incitatif pour la généralisation à tout le village.
La formation du Comité de l’Eau du village à l’exploitation des équipements, et à la gestion du système pour en assurer l’autonomie économique et technique
L’énergie
L’énergie nécessaire au traitement et à la distribution est fournie par des panneaux photovoltaïques placés sur le toit du bâtiment technique. Un jeu de batterie tampon assure plus de 24h d’autonomie. L’ensemble du process de traitement est totalement régulé par automatisme (démarrage/arrêt des pompes et de l’unité d’ultrafiltration en fonction des niveaux dans le réservoir, rétrolavages, …). Ces différents choix permettent de garantir la permanence de la distribution, même en cas d’intervention sur la canalisation d’eau brute (réserve d’eau brute pour 1 jour), ou sur l’usine de traitement (réserve d’eau traitée pour 1 jour).
L’Assainissement
Le modèle retenu est celui de latrines sèches à doubles fosses alternées. Une fosse à deux chambres est construite hors sol, au dessus de laquelle se trouve le siège. Les fosses, dimensionnées pour contenir les matières d’une famille de 7 personnes pendant une année, sont utilisées en alternance une année sur deux. Durant l’année où la fosse n’est pas utilisée, les matières sont hygiénisées par compostage naturel grâce aux matières organiques (sciure de bois, coques de cacahuètes, déchets végétaux) ajoutées au cours de l’utilisation. Au bout d’un an de repos, cette fosse est vidée en un tas près du champ où les matières attendront une autre année avant d’être épandues, et la fosse est prête à être utilisée de nouveau. Un dispositif de lavage des mains avec savon complète le dispositif pour permettre le respect d’une parfaite hygiène.
Le financement de ces latrines est basé sur un système de subventions accordées par le Comité de l’Eau aux clients réguliers du kiosque public d’eau potable. Les 5 premières toilettes de ce modèle ont été construites chez des habitants, qui assurent ainsi sa promotion dans tout le village.
Le coût de fonctionnement
Système d’eau potable
Le coût de fonctionnement du système d’eau potable est essentiellement composé du coût de main d’œuvre (kiosquier, gardiennage du site, maintenance spécialisée) et de la part nécessaire au renouvellement (pompes, membranes, pièces de réseau…). En effet, le traitement lui-même et la distribution ne demandent pratiquement pas de coût d’intrants (électricité solaire ; pas de produit de traitement hormis la chloration de sortie). Les coûts sont donc pour l’essentiel des coûts fixes.
En conséquence, le coût de revient économique par m3 d’eau délivrée varie essentiellement avec le taux d’utilisation de l’unité (plus l’unité produit, plus le coût par m3 est faible). Dans le cas de Tierra Muscady, pour une utilisation à 10 m3/jour en moyenne, le coût de revient économique assurant la pérennité de l’installation (exploitation et renouvellement ad aeternam) est inférieur à 5 Gourdes pour une bonbonne standard de 20 litres, soit 0,4 ct d’Euro par litre.
Assainissement autonome
Le coût de fonctionnement des unités d’assainissement autonome est nul, car la maintenance et la vidange sont assurées par les utilisateurs eux mêmes.
Tout au contraire, les latrines sont à terme génératrices de revenu, par l’augmentation du rendement agricole que le compost permettra. La quantification de cet avantage économique est l’un des objectifs secondaires du projet ici présenté.
Les conditions de durabilité
Conditions techniques :
L’accompagnement technique de l’exploitant, ainsi que la maintenance de l’unité UFAO d’ultrafiltration, son entretien et le renouvellement des pièces, sont assurés par les techniciens de Fratènite Dlo des PFI, dans le cadre d’un contrat « Maintenance et renouvellement », dont le coût est couvert par le produit de la vente de l’eau. L’unité de traitement « UFAO » étant assemblée en Haïti par ces mêmes techniciens, ils sont donc parfaitement qualifiés pour sa maintenance, et maîtrisent la chaîne logistique liée à l’entretien et au renouvellement des pièces.
Ils assurent en outre le contrôle de qualité de l’eau produite et distribuée au moyen de leur laboratoire d’eau potable (contrôles bactériologiques et physico-chimiques courants).
Conditions économiques :
Le système est géré par le Comité de l’Eau de Tierra Muscady. Le produit de la vente de l’eau est mis sur un compte en banque à son nom. Les recettes générées couvrent l’ensemble des coûts : coût de fonctionnement, rémunération du personnel affecté (kiosquier et gardiens), contrat de maintenance et de garantie totale passé avec les PFI, entretien du réseau, des réservoirs et enfin, provisions de renouvellement pour le changement des équipements. Une marge est dégagée, qui permet de subventionner l’achat des récipients normalisés (bonbonnes) par les habitants de Tierra Muscady, et de leur accorder une aide pour les inciter à se doter de latrines individuelles.
La population de Tierra Muscady fête l’eau potable !
Ce 23 novembre 2014, le village est rassemblé pour bénir et fêter joyeusement l’usine d’eau potable. Une prise d’eau dans un lac collinaire relève l’eau d’une trentaine de mètres et la conduit jusqu’à l’usine d’UltraFiltration AquaOrbi, où elle est traitée et distribuée à un kiosque public. Le village compte plusieurs milliers d’habitants, et ils sont quarante mille pour toute la paroisse. C’est l’ensemble de la communauté qui va bénéficier de ces équipement.
